En communication, on dit souvent que le contenant est aussi important que le contenu. Avec des centaines de polices de caractères disponibles sous vos doigts, comment choisir la bonne police pour le bon message et le bon support?
La typographie pour illustrer
La typographie a l’avantage d’avoir la capacité d’illustrer le sujet de la composition. Ce procédé est accompli en prenant soin d’analyser les subtilités telles que les courbes et autres formes intéressantes qui, si bien utilisées, évoquent la représentation voulue. Il peut s’agir d’une illustration abstraite ou littéralement de représenter un objet ou une personne. Pour bien comprendre le côté abstrait de la représentation de la typographie, elle peut évoquer un ressenti dans une proportion différente, d’un observateur à un autre, selon l’utilisation des particularités de la typographie choisie par le créateur de l’oeuvre. La typographie est un art en elle-même. Il faut énormément de talent et de temps pour l’utiliser de façon efficace, et encore plus pour créer une typographie qui peut être utilisée pour diverses finalités. Une typographie complète peut être employée dans un titre, dans le texte courant ou encore comme illustration.
La typographie pour faciliter la compréhension
Dans un contexte de mise en page, par exemple un livre, on se doit de trouver la bonne typographie qui va permettre au lecteur de saisir le ton de celui-ci. Il doit également y avoir un contraste entre les titres et le texte courant afin d’identifier facilement le niveau d’information, le tout en étant visuellement attrayant. Il s’agit d’un côté plus technique de l’utilisation de la typographie, qui doit être manipulé méthodiquement afin d’obtenir une lecture fluide et agréable. Une fois cet aspect maîtrisé, le graphiste vérifie le «gris» qui est la masse que le texte forme sur la page blanche. L’objectif est que le gris soit uniforme et soit bien senti. Le but de la mise en page est de garder l’attention du lecteur le mieux possible. Avez-vous remarqué que la typographie utilisée pour ce texte, qui se retrouve sur un site web, a été choisie selon le médium? Elle n’aurait pas été la même dans un livre ou un journal.
Histoire
Le mot typographie vient du grec et signifie «type d’écritures». Bien que l’arrivée des ordinateurs a révolutionné le monde du graphisme, il fut une époque où elle limitait la créativité de ces derniers. En effet, faute d’espace de stockage (et de volonté des fabricants), très peu de polices de caractère étaient disponibles. Avant de fonder Apple, Steve Jobs avait suivi un cours de calligraphie à l’université par intérêt personnel. De son aveu même, ce fut un des cours les plus marquants de son parcours universitaire (inachevé) et cet attachement fut transposé dans les premiers Macintosh. Depuis, des centaines de typographies classiques furent transformées de caractères de plomb à des pixels, et des milliers d’autres furent créés.
Les familles
On peut regrouper les types de polices en 5 grandes catégories:
- les polices sérif (avec empattements);
- les polices sans-sérif (linéales);
- les polices scriptes (ou cursives);
- les polices monospaces (dont la largeur de chaque caractère est identique); et
- les polices spéciales ou décoratives.
On retrouve dans cette dernière catégorie toutes les polices plus créatives et illustrées.
Les variations sont parfois subtiles d’une police de caractères à l’autre, et c’est dans ces légers détails que l’on reconnaît tout le talent des typographes. Largeur du trait, hauteur du caractère, intensité de la courbe ou espacement entre les caractères, rien n’est laissé au hasard.
Dans les polices de caractères plus complètes, différentes variantes sont offertes. Les plus populaires sont le gras et l’italique, mais il peut y avoir aussi du léger, condensé, étendu, extra gras,… Ces variantes ont été dessinées par le créateur pour permettre d’avoir le même équilibre dans toutes les options. Depuis quelque temps, il existe des polices de caractères variables (Open Type Variable Font) qui permettent au graphiste d’ajuster lui-même plusieurs paramètres. Cette nouvelle avancée est très intéressante pour les créatifs.
Empattements vs linéales
Bien qu’il n’existe pas de règles absolues quant à l’usage des polices de caractères, il existe des principes de base qui facilitent le choix typographique. En règle générale, une police de caractère avec empattement est préférable pour l’imprimé puisque les petits empattements dans le bas des lettres forment un guide invisible qui facilite la lecture. Les premiers caractères de plomb étaient majoritairement avec empattements.
À l’écran, c’est le contraire. La simplicité est de mise et les caractères sans empattement étaient préférables au début du numérique, car la résolution des écrans ne permettait pas d’afficher avec autant de précision toute la finesse du caractère.
Comme vous pouvez le constater, ces 2 règles sont des vestiges du passé et rien n’empêche d’utiliser une belle police moderne linéale pour un livre ou un caractère très défini avec nos écrans d’aujourd’hui. Cependant, on ne consomme pas un support papier de la même manière qu’on lit un document à l’écran. Nous sommes plus portés à lire en diagonale à l’écran en défilant le texte de ses sous-titres, listes et encadrés alors que nous sommes plus tentés de lire en entier un document avec une belle reliure. Ces tendances peuvent influencer vos choix typographiques.
Style
En design, le contenant fait partie du message. Avant même d’avoir lu le contenu, une opinion (consciente ou inconsciente) s’est forgée sur le message. Tout comme pour la couleur, la typographie influence le design par son choix, son équilibre et sa structure. Une police cursive ou scripte donnera un aspect plus humain au message alors que des caractères en capitales (CAPS LOCK) donneront l’impression de crier votre message.
Un paragraphe écrit avec une police linéale, légère et avec un interlignage plus élevé donnera un aspect plus moderne à votre texte. Une police avec de gros écarts entre ses traits et des empattements prononcés donneront un aspect de prestige à votre message.
Quant aux polices décoratives, pensez à toutes ces affiches de films. Le titre est autant dans le design de la police que dans le mot! Il est possible d’influencer le mot avec un choix de police, qui jusqu’à un certain point, illustre le contenu. Cette technique est surtout utile dans les titres et les logos.
Choix des polices
Dans le choix des polices de caractères, l’élément le plus important est la lisibilité. Les principaux facteurs à considérer sont la taille des caractères, la distance entre les lignes (interlignage) l’espacement entre les caractères et la longueur de la ligne.
Dans une mise en page, il est préférable de se limiter à 2-3 polices de caractères seulement. Trop de variétés vont diluer l’impact de votre message et détourner l’attention. Il est préférable de débuter par le choix de la police de caractère qui sera le plus présent dans le document, généralement le corps du texte. Une fois cette police choisie, linéale ou sérif, déterminez à l’avance les variations nécessaires selon votre contenu (italique, gras, condensé, …). Il est préférable d’avoir un écart assez visible entre les styles pour ne pas les confondre. En effet, il n’y a généralement pas assez d’écart de graisse (épaisseur) entre le style léger et normal, ou médium et gras. Dans les polices les plus complètes, assurez-vous de sauter d’au moins 2 graisses pour avoir un écart suffisant. Si la police est incomplète ou n’offre pas les possibilités voulues, il est encore temps de changer! La clé du succès est dans l’équilibre entre le contraste et la complémentarité de vos choix typographiques.
Une fois votre police de base déterminée, référez-vous à la structure du document pour déterminer les styles des différents niveaux de titre. Un sous-titre de 3e ou 4e niveau est généralement mieux représenté par la même police que le corps du texte, mais avec un traitement différent (gras, souligné, italique, …) alors qu’un niveau de titre plus important mérite un contraste plus prononcé. L’usage d’une police de caractère complémentaire et très différente peut être une solution intéressante. Pour un texte courant avec un caractère linéal et fin, un titre avec empattement et gras offrira un contraste intéressant à votre mise en page. Il est en effet difficile de combiner 2 polices linéales ou 2 polices sérifs dans une même mise en page. Pour réussir, elles doivent être radicalement différentes, d’où l’intérêt de rester dans la même police mais avec des variantes et d’y ajouter une police complémentaire (très différente) au besoin.
Outils
Il existe plusieurs outils pour vous aider dans le choix de vos polices de caractères. Pour les graphistes, les dernières versions d’InDesign et surtout d’Illustrator offrent maintenant plusieurs filtres qui regroupent et recherchent pour vous des polices similaires pour vous aider dans votre sélection. C’est un des aspects où l’intelligence artificielle des logiciels sert le graphiste.
En ligne, plusieurs banques de polices comme Google Font et Adobe Type Kit permettent aussi de filtrer et comparer vos choix. Les sites comme DaFont et 1001FreeFonts peuvent vous aider à trouver une police pour un titre ou un traitement spécial, mais ces polices sont généralement incomplètes pour un traitement graphique de qualité, et les accents ne sont souvent pas inclus. Dans le doute, référez-vous plutôt aux polices classiques qui ont traversé l’épreuve du temps:
- Helvetica
- Garamond
- Bookman
- Bodoni
- Frutiger
- Futura
- Bahaus
- Caslon
- Didot
- Gill Sans
- Optima
- Akzidenz Grotesk
- Avant Garde
- Trade Gothic
- Rockwell
- …
Pour un mariage parfait, les sites Canva et Fontjoy sont géniaux! À partir d’une sélection, ils peuvent vous aider à combiner avec une autre police qui vous offrira suffisamment de contraste et d’uniformité dans votre mise en page.
Tendances actuelles
En matière de design, tout comme pour la mode, il y a des tendances. Au niveau de la typographie, les polices linéales sont de plus en plus populaires. Elles inspirent la simplicité et le modernisme. De plus, elles sont souvent utilisées en version très fine ou légère, avec un espacement plus prononcé entre les caractères et les lignes. L’espace blanc est ainsi privilégié.
Elles sont souvent complétées d’une variante de la même police, mais en beaucoup plus grasse pour un maximum de contraste. Les majuscules sont souvent utilisées de cette façon. Nous avons qu’à penser à tous ces nouveaux logos qui se ressemblent pour voir cette tendance à l’oeuvre!
De plus en plus de marques créent leur propre police de caractère. À partir souvent d’une police classique et intemporelle, ils ajoutent une petite touche de modernisme pour créer leur propre typographie et ainsi se démarquer (légèrement) de la concurrence.
Finalement, on ne peut pas parler de police de caractère en 2020 sans mentionner la popularité grandissante des émojis. À travers un simple pictogramme, ils véhiculent une émotion et un message. Ils sont le reflet de cette nouvelle génération numérique. Pourtant, il y a 4000 ans, les gens écrivaient avec des pictogrammes pour communiquer! On pourrait même qualifier ces hiéroglyphes comme les ancêtres de la typographie moderne…